SNUipp-FSU Guyane
http://973.snuipp.fr/spip.php?article229
Réponse à l’interview du recteur dans France-Guyane
jeudi, 10 avril 2008
/ SNUipp-FSU 973 /

co-secrétaire départemental du SNUipp Guyane

La vérité des chiffres sur les moyens alloués à l’enseignement en Guyane en particulier et en France en général

La lecture de l’interview du recteur a dû faire bondir et s’indigner plus d’un enseignant de Guyane, tant les propos tenus par M. Wacheux sont erronés et tendancieux. Nous savons qu’il est très engagé politiquement dans la majorité présidentielle et qu’il tente de justifier la politique de rigueur et de casse du service public engagée par le gouvernement, mais cela ne lui donne pas le droit de manipuler l’opinion avec des affirmations dénuées de tout fondement. M. Wacheux est peut-être un as des ressources humaines, mais c’est aussi un expert dans l’art de proférer les contre-vérités les plus grossières. A moins qu’à l’instar du ministre de l’Education, incapable d’effectuer une règle de trois, il n’ait de grosses lacunes en mathématiques dues à sa scolarisation en élémentaire, effectuée selon les très anciens programmes qui privilégiaient la mémorisation, la répétition, dans une conception mécaniste des apprentissages, et qui ont servi d’exemple à la rédaction des nouveaux programmes.

Pour ne parler que du primaire, puisque c’est le domaine de compétence du SNUipp, s’il estime que notre département est bien traité au niveau de la carte scolaire, nous lui rappelons que la dotation est de vingt postes (c’est-à-dire à peu près 14 classes plus les moyens de remplacement, de formation et d’encadrement). Rapportée aux 1017 élèves supplémentaires scolarisés en moyenne chacune de ces quatre dernières années (sources rectorales), soit une moyenne de 72 élèves par classe, cette dotation ne nous apparaît en aucune manière comme une mesure de faveur à l’égard de la Guyane.

Le recteur poursuit dans l’imposture en affirmant péremptoirement qu’ « en terme de nombre d’élèves par classe, on est très en dessous de la moyenne nationale, qui est elle-même la plus faible du monde » ! Nous nous contenterons, pour lui répondre, de produire un extrait des chiffres publiés sur le site même du ministère de l’éducation nationale (note d’information n° 08.01 de janvier 2008) :

AcadémiesMaternellesElémentaireASH*TotalTotal hors ASH
Guadeloupe
24,0
23,5
9,2 23,3
23,7
Martinique
22,9
21,7
7,5 21,8
22,1
Guyane
25,0
24,1
10,0 23,9
24,4
La Réunion
25,2
23,8
8,6 23,9
24,3
France métropolitaine
25,8
22,6
8,6 23,5
23,8

Source : MEN-DEPP, constat de rentrée premier degré.

La lecture de ce tableau fait apparaître très clairement que les effectifs moyens par classe en Guyane, loin d’être très en dessous de la moyenne nationale, sont au contraire supérieurs en élémentaire et dans l’ASH (*Adaptation Scolaire et Scolarisation des élèves Handicapés), alors que le taux d’élèves en difficulté est sans commune mesure avec ce que l’on observe dans le reste du pays. Le principe de discrimination positive « donner plus à ceux qui ont moins » cher au président de la république est ici largement battu en brèche !

Concernant la place de la France dans le monde, il nous semble stupéfiant que le responsable d’une académie puisse énoncer une telle imposture. Reportons-nous cette fois-ci aux données fournie par l’OCDE (Regards sur l’éducation 2007) : quel que soit le critère retenu, la France est très loin de faire figure de pays privilégié.

.FrancePays le plus favoriséPays le moins favoriséMoyenne Union Européenne
Taille moyenne des classes 23,5 Portugal : 18,2 Royaume Uni : 25,8
20,3
Nb d’élèves par enseignant 19,4 Hongrie, Italie : 10,6 Royaume Uni : 20,6
14,9

S’agissant des dépenses pour l’Education, domaine dans lequel la France serait championne selon notre recteur, le tableau ci-dessous montre bien qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour accéder au podium ! La première ligne, toujours selon les sources de l’OCDE, indique la dépense annuelle par élève au titre des établissements d’enseignement primaire, tous services confondus (2004) en équivalents EUROS. La seconde indique le salaire statutaire annuel des enseignants des établissements primaires publics en milieu de carrière en équivalents EUR.

.FranceLe plus élevéLe plus faibleMoyenne Union Européenne
Dépense par élève 4401 € Norvège : 7 389 € Grèce : 3 979 €
5 502 €
Salaire annuel des enseignants 27 415 € Allemagne : 43 838 € Italie : 25 415 €
33 155 €

Pour enfoncer le clou, précisons que dans les pays de l’OCDE, les enseignants du primaire donnent en moyenne 803 heures de cours par an alors qu’ils en donnent 936 en France ! Le principe du « travailler plus pour gagner plus » ne s’applique visiblement pas aux enseignants français.

Le grand leitmotiv répété inlassablement par ceux qui refusent d’accorder les moyens nécessaires à l’accomplissement d’une mission est qu’il faut savoir faire preuve d’imagination et d’innovation. Evidemment, ça ne coûte rien. Demandez donc à un maçon de construire une maison avec de l’imagination à la place du ciment, ou à un boulanger d’utiliser de l’innovation à la place de la farine. Ils pourront peut-être y arriver mais le résultat risque fort de ne pas être à la hauteur des attentes des clients.

Assez maintenant d’hypocrisie : vouloir nous faire croire que les dernières mesures annoncées (suppression du samedi matin, stages de remise à niveau, modification des programmes…) sont dictées par le souci de lutter contre l’échec scolaire relève de la pure mystification. La réalité est qu’il faut trouver de postes à supprimer ; les premiers visés sont les postes d’enseignants spécialisés dans l’aide aux élèves en difficulté et les classes d’intégration des élèves non francophones. Le recteur est sorti de sa réserve mais il est également sorti du chemin de l’honnêteté intellectuelle. Le SNUipp se devait de faire obstacle à sa tentative de désinformation et de propagande. Mais les enseignants de Guyane savent faire la part des choses car ce sont eux qui sont confrontés, jour après jour, à la difficulté du métier aggravée par le manque de moyens, de matériel et la lourdeur des effectifs quoi qu’en dise le patron de l’académie.

Pour le SNUipp-Guyane, Jean-Noël Grandvillemin