SNUipp-FSU Guyane
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La maternelle est l’un des gros points noirs de la réforme des rythmes
MARIE PIQUEMAL pour Libération
vendredi, 4 octobre 2013
/ SNUipp-FSU 973 /

co-secrétaire départemental du SNUipp Guyane

Quand on lui parle « rythme scolaire », Marie-Christine, enseignante en maternelle à Paris, s’esclaffe. Cette réforme, dès le départ, elle était contre. Les premières semaines d’application ne l’ont pas fait changer d’avis, au contraire. Elle préfère en rire. « C’est du délire. Ici, le mardi et le vendredi, l’école termine à 15 heures. On est obligé de réveiller les tout-petits de la sieste à 14 h 30 pétantes pour qu’ils soient tous prêts à l’heure. Du coup, ils crèvent de sommeil, le vendredi surtout, ils dorment debout. Et, alors, le gag  : l’atelier prévu à 15 heures par la mairie de Paris c’est "relaxation". On les réveille… pour un atelier relaxation ! » Au-delà de l’anecdote, il semble que l’application de la réforme pose davantage de problèmes en maternelle qu’en élémentaire.

A Paris peut-être plus qu’ailleurs. Le rectorat le reconnaît  : « La maternelle fait partie, en effet, des points compliqués qui nous remontent, indique Gérard Duthy, directeur académique des services de l’Education nationale. Pour les jeunes enfants, les rituels sont importants. La structuration des nouveaux temps et espaces n’est pas évidente. »

Première difficulté  : à Paris, les horaires changent d’un jour sur l’autre, il n’y a pas deux journées d’affilée identiques. Les enfants ont classe jusqu’à 16 h 30 les lundi et jeudi, 11 h 30 le mercredi, 15 heures le mardi et le vendredi.« On le voit, ils sont complètement paumés,témoigne une enseignante. Surtout quand leur maîtresse quitte la classe à 15 heures. Alors qu’eux restent à l’intérieur avec un animateur. »

« ADAPTÉ POUR LES PLUS GRANDS MAIS PAS POUR LES TOUT-PETITS »

Gaëlle, enseignante en maternelle dans le Val-d’Oise, est un peu moins sévère. Pour elle, il est encore trop tôt pour dresser un quelconque bilan de la réforme. Elle constate seulement qu’« on n’a pas forcément pris le temps là où il fallait ». Dans son école, la matinée a été rallongée d’une demi-heure et les enfants ont classe de 14 heures à 16 heures tous les après-midis. Les activités périscolaires se déroulent le mercredi matin. « C’est certainement adapté pour les plus grands mais pour les tout petits, il vaut mieux des plages horaires plus courtes. A l’inverse, l’après-midi passe très vite. Certains font la sieste de 13 heures à 15 heures. Il ne reste ensuite qu’une petite heure avant la sortie, alors qu’ils sont souvent reposés et en forme. »

« Nous avons pourtant alerté en amont, bien avant l’application de la réforme,regrette Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp, premier syndicat du primaire.Les maternelles sont l’un des gros points noirs de la réforme pour une raison simple  : les collectivités locales ont traité les maternelles comme les élémentaires. Or, les rythmes scolaires ne sont pas une simple affaire d’emploi du temps. C’est révélateur de toute la difficulté pour les collectivités locales d’élaborer un projet éducatif pour les enfants qui ont des besoins spécifiques. Je ne renvoie pas la faute aux collectivités, loin de là. Cela demande une ingénierie, et donc des moyens. »

« J’AI DEUX MAÎTRESSES »

A Paris, une autre enseignante se désolait à haute voix lors d’une réunion de rentrée avec les parents : « J’entends des élèves dire  : "j’ai deux maîtresses" », confondant animatrice et enseignant. Pas étonnant pour Isabelle Racoffier, la présidente de l’association des enseignants des écoles maternelles (Ageem). « Un enfant a besoin de régularité. Régularité dans le temps mais aussi dans les personnes qui s’occupent de lui. Là, avec cette réforme, il y a tellement d’intervenants différents… Le risque, c’est l’absence de cohérence éducative. Si deux adultes n’appliquent pas les mêmes règles dans un même lieu, c’est extrêmement déstabilisant pour les enfants. »

Isabelle, institutrice depuis vingt-quatre ans, en est, elle aussi, convaincue  : « Les élèves, et encore plus les tout-petits, associent la salle de classe à des règles de vie et une discipline. Le fait que certains jours, une autre personne applique de nouvelles règles dans cette même pièce, est une source de confusion pour eux. Vraiment. »Sans parler de toutes les petites difficultés pratico-pratiques auxquelles personne n’a visiblement pensé. « Nous autres, enseignants, nous utilisions déjà le mot "atelier" pour parler des activités de peinture ou de collage… » Le même qui est repris pour les activités périscolaires, participant à la confusion. Que faire des travaux faits par les enfants avec l’animateur  ? Doivent-ils être accrochés sur les murs de la classe à côté de ceux faits pendant le temps scolaire  ?

Gérard Duthy du rectorat, reste optimiste  : « Oui, il y a des petits calages à faire, mais c’était inévitable. Décaler la réforme à l’année prochaine n’aurait rien changé. Il y aurait eu les mêmes petits problèmes et les nécessaires ajustements. »