Café pédagogique
"Dans la phrase "le vol était indéniable" que signifie le mot indéniable ?" C’est un exemple de question qui pourrait être posée dans l’évaluation de CM2 que les élèves passeront du 19 au 23 janvier. Alors que les premiers documents circulent sous le manteau à propos des nouvelles évaluations de CE1 (passage du 25 au 30 mai) et de CM2, le Snuipp dénonce la "mise en concurrence des écoles".
- Les évaluations 2009 sont radicalement différentes des épreuves précédentes.
Celles-ci visaient à effectuer un diagnostic permettant de repérer les élèves en difficulté. En conséquence elles n’évaluaient que les compétences de base sur des exercices simples. Les nouvelles évaluations de français et maths visent à faire un bilan mesurant les acquis des élèves. "Toutes les compétences du programme sont évaluées sur des exercices de difficulté variée" affirme le document officiel que le Café s’est procuré. Avec ce bilan, le ministère entend disposer "d’un instrument de pilotage du système éducatif, du niveau local de l’école jusqu’au niveau national".
- Les évaluations seront nettement plus difficiles.
En CE1 par exemple on demandera aux élèves d’écrire un texte de 5 à 10 lignes, de distinguer verbes, noms, articles, pronoms personnels et adjectifs qualitatifs. Dans une dictée ils devront marquer les accords du verbe avec le sujet, de l’adjectif avec ke nom qu’il qualifie. En CM2 ils devront passer en maths d’une écriture fractionnaire à une écriture à virgule. Ces difficultés ne manqueront pas d’interroger les enseignants sur les finalités de l’évaluation. Là où le ministère voit la mise en place d’un indice d’évaluation des résultats de l’école, des enseignants verront peut-être la volonté de montrer les faiblesses de l’Ecole.
- Mais c’est la communication des résultats qui soulève des réserves.
Les parents auront accès aux résultats globaux de la France, des académies et des départements. De plus ils auront accès aux résultats de leur enfant et de l’école de leur enfant. Ils pourront donc situer cette école par rapport à la moyenne départementale sur des résultats bruts. Ceux-ci ne montreront pas la plus-value apportée par l’école par rapport à des résultats attendus, comme c’est le cas pour les lycées.
- Le Snuipp dénonce le risque de concurrence entre établissements.
Il "rappelle son opposition totale à la publication des résultats école par école : le faible nombre d’élèves concernés dans de très nombreuses écoles comme la multiplicité des facteurs à analyser (environnement social, rôle de l’enseignant et de l’équipe pédagogique, activités péri-scolaires, facteurs individuels,…) rendent extrêmement complexe toute interprétation des résultats. Cette publication provoquerait en outre une concurrence entre écoles et introduirait une logique de marché dont les conséquences seraient défavorables à l’ensemble des élèves. Elle remettrait en cause un des fondements de l’école publique. La mixité sociale et le brassage constituent des garanties pour une meilleure réussite des élèves".
- Plusieurs pays publient les résultats des écoles directement sur Internet.
C’est le cas par exemple de l’Angleterre ou de certains états des Etats-Unis. Cette publication s’accompagne d’une mise en concurrence des écoles qui existe également en France mais de façon nettement moins organisée. Quand elle n’est pas encadrée par des dispositifs favorisant la mixité sociale, cette concurrence joue toujours un rôle ségrégatif. Le Snuipp annonce dès maintenant qu’il demandera l’interdiction de la publication des résultats.
Lettre du SNUipp au ministre X. Darcos
Gilles MOINDROT
Secrétaire Général
Monsieur Xavier DARCOS
Ministre de l’Education Nationale
110 rue de Grenelle
75357 PARIS 07 SP
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur d’attirer votre attention sur l’évaluation CM2. Vous avez annoncé que cette évaluation, qui remplace celles effectuées en début de 6e, était destinée à mesurer les acquis des élèves et à disposer d’un instrument de pilotage du système éducatif, du niveau local au niveau national et que toutes les compétences seraient évaluées.
Si le SNUipp est favorable à des évaluations qui visent à faire progresser les élèves et qui aident à la communication avec les parents d’élèves, nous tenons à vous faire part de nos vives inquiétudes vis-à-vis du dispositif prévu et du contenu des épreuves.
Les résultats d’une évaluation peuvent en effet varier considérablement en fonction de la difficulté des exercices présentés et du mode correction utilisé.
Comment évaluer sérieusement la maîtrise de certaines compétences qui n’auront pas été étudiées à cette période de l’année ? Ainsi la maîtrise des fractions, des calculs d’aires ou du plus-que-parfait. De plus pourquoi évaluer en milieu de CM2 des compétences qui ne sont pas considérées comme exigibles dans le cadre du socle commun en 6 e ?
D’autre part le codage binaire retenu (1 : réussite ; 0 : échec) conduit à ne pas prendre en compte les réussites partielles : un élève qui répond correctement à 8 questions sur dix dans un item sera considéré en échec complet comme un élève qui ne produit aucun résultat exact. Cherche-t-on ainsi à mettre en difficulté et à stigmatiser des élèves en établissant une évaluation « couperet » ? S’agit-il pour le ministère de prouver que « les résultats de (la seule !) école primaire ne cessent de se dégrader » comme vous l’affirmez dans vos voeux aux enseignants ?
Cette conception de l’évaluation est à l’opposé de celle en vigueur en Finlande qui s’appuie sur le repérage des réussites des élèves pour les faire progresser.
Nous tenons également à vous rappeler notre totale opposition à la publication des résultats école par école : le faible nombre d’élèves concernés dans de très nombreuses écoles comme la multiplicité des facteurs à analyser (environnement social, rôle de l’enseignant et de l’équipe pédagogique, activités péri-scolaires, histoire individuelle,...) rendent extrêmement complexe toute interprétation de résultats. Cette publication entraînerait une concurrence entre écoles dont les conséquences seraient défavorables à l’ensemble des élèves.
C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, nous souhaitons vivement que vous preniez en compte l’expérience professionnelle des enseignants et que vous engagiez une véritable concertation sur les évaluations à l’école.
L’évaluation n’a d’intérêt que si elle permet d’établir des informations sûres et adaptées. Le choix des exercices tels qu’ils sont actuellement connus, la date retenue comme les modalités de codage nous amènent aujourd’hui à vous demander le report de cette évaluation nationale.
Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de mes sentiments distingués.