Exposé des motifs
La continuité des services publics concourt, en temps ordinaire, à permettre à chacun d’exercer les libertés, les droits et les devoirs qui sont lui sont reconnus et prescrits par la société : liberté de se déplacer, droit d’étudier, devoir de travailler.
Si les agents de la fonction publique jouissent, comme tout salarié, du droit de cesser leur travail dans le cadre de la réglementation régissant le droit de grève, ce droit ne saurait pour autant priver les usagers des services publics de leur propre liberté de travailler. Cette liberté doit être reconnue, en particulier, aux parents d’élèves qui sont souvent contraints de suspendre leur activité professionnelle pour garder leurs enfants lorsqu’un enseignant décide de prendre part à un mouvement de grève.
En proposant d’instaurer par la loi un droit à l’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires, le Président de la République a voulu permettre à ces deux libertés, la liberté de faire grève et la liberté de travailler, de s’exprimer pleinement. Là où des solutions s’improvisaient de fait et, le plus souvent, au détriment des familles, il a souhaité que la loi rétablisse un équilibre entre la nécessité de ne pas remplacer les enseignements suspendus pour ne pas ôter aux enseignants grévistes leur moyen d’action et la nécessité de pourvoir à l’accueil des enfants pour ne pas priver leurs parents d’une journée de travail, marquant ainsi un nouveau progrès dans l’organisation des relations sociales.
Le présent projet de loi définit le principe du droit à l’accueil des enfants scolarisés dans une école maternelle ou élémentaire publique et en précise les modalités d’organisation en cas de grève.
L’article premier, après avoir posé le principe selon lequel tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique y est accueilli pendant le temps scolaire pour y suivre les enseignements obligatoires prévus par les programmes, prévoit que dans la cas où les cours ne peuvent lui être dispensés, il doit bénéficier d’un service d’accueil. Seul un motif imprévisible, par exemple un enseignant victime d’un accident, qui ne laisse pas la possibilité d’organiser à temps l’accueil des élèves, permet de s’exonérer de cette obligation.
Le I de l’article 2 institue une procédure de prévention des conflits afin de limiter les risques de grève affectant les écoles maternelles et élémentaires publiques en créant une obligation de négociation pour les organisations représentatives des personnels enseignants du premier degré des écoles publiques.
Son II prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixera les contours de cette procédure de prévention des conflits : notification à l’État des motifs qui pourraient justifier le dépôt d’un préavis de grève, convocation des organisations syndicales représentatives dans un délai de trois jours au plus, période de négociation préalable ne pouvant excéder huit jours et élaboration d’un relevé de conclusions de la négociation préalable qui devra être communiqué aux enseignants du premier degré.
Son III vise à interdire la pratique dite des « préavis glissants » de nature à perturber la mise en place du service d’accueil par les communes prévu par l’article 3.
Le IV de l’article 2 institue pour les personnes qui exercent des fonctions d’enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires publiques une obligation de déclaration préalable quarante-huit heures avant leur participation à une grève, aux fins de permettre aux communes d’organiser un service d’accueil des élèves. Cette information doit être donnée à l’autorité administrative dont ils relèvent. II prévoit, en outre, les garanties propres à assurer, pour les enseignants auxquels l’obligation de déclaration individuelle est imposée, le respect de leur droit à la vie privée.
Le premier alinéa de l’article 3 prévoit que les communes dans lesquelles au moins dix pour cent des enseignants des écoles publiques ont déclaré leur intention de participer à une grève organisent un dispositif d’accueil des élèves pendant le temps scolaire obligatoire.
Les deuxième et troisième alinéas de cet article précisent les modalités de mise en œuvre du dispositif d’accueil : information des communes par l’autorité administrative, dès qu’elle en a connaissance, sur le nombre, par école, des enseignants ayant procédé à une déclaration préalable ; possibilité pour la commune d’organiser l’accueil dans les locaux scolaires, dans des conditions dérogatoires à celles prévues par l’article L. 212-15 du code de l’éducation relatives à l’utilisation des locaux scolaires par le maire pendant les heures ou les périodes où ils ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale.
L’article 4 dispose que l’Etat verse une contribution financière aux communes au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de l’accueil des élèves. 11 renvoie à un décret le soin de fixer le montant et les modalités de versement de cette contribution qui tient compte du nombre d’élèves effectivement accueillis.
L’article 5 permet, d’une part, aux communes de confier l’organisation et la mise en place du service d’accueil prévu par l’article 3 à l’établissement public de coopération intercommunale auquel elles ont transféré leurs attributions en matière d’accueil de loisirs des mineurs ou en matière d’accueil des élèves avant et après la classe, d’autre part, aux communes qui le souhaitent de conclure une convention afin de confier à l’une d’entre elles ou à un établissement public de coopération intercommunale qui assure l’organisation et la mise en place du service d’accueil mentionné à l’article 3 la compétence prévue par cet article. La commune ou l’établissement public ainsi désigné sera alors l’interlocuteur des services du ministère de l’éducation nationale pour la mise en œuvre du dispositif d’accueil.
Projet de Loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire
Article 1er
Tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique y est accueilli pendant le temps scolaire obligatoire pour y suivre les enseignements prévus par les programmes. Sauf motif imprévisible, lorsque ces enseignements ne peuvent pas être dispensés, il bénéficie d’un service d’accueil.
Article 2
I - Le dépôt d’un préavis de grève par des organisations représentatives des personnels enseignants du premier degré ne peut intervenir qu’après une négociation préalable entre l’Etat et ces organisations syndicales.
II - Les règles d’organisation et de déroulement de cette négociation préalable sont fixées par un décret en Conseil d’État qui détermine notamment :
- les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification à l’Etat des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève conformément à l’article L. 2512-2 du code du travail,
- le délai dans lequel, à compter de cette notification, l’Etat est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification. Ce délai ne peut dépasser trois jours ;
- La durée dont l’Etat et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable mentionnée au 1. Cette durée ne peut excéder huit jours francs à compter de cette notification ;
- Les informations qui doivent être transmises par l’Etat aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociations, ainsi que le délai dans lequel ces informations doivent être fournies ;
- Les conditions dans lesquelles la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives et l’Etat se déroule ;
- Les modalités d’élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations qui doivent y figurer ;
- Les conditions dans lesquelles les enseignants du premier degré sont informés du motif du conflit, de la position de l’Etat, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions de la négociation préalable.
III - Lorsqu’un préavis a été déposé dans les conditions prévues par l’article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des enseignants du premier degré, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu’à l’issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue aux 1 et II n’ait été mise en œuvre
IV - Dans le cas où un préavis de grève a été déposé dans les conditions prévues par l’article L. 2512-2 du code du travail, pour la mise en place du service prévu par l’article 3, toute -personne qui exerce des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique informe, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, l’autorité administrative dont elle relève, de son intention d’y participer.
Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l’organisation durant la grève du service mentionné à l’article 3. Elles sont couvertes par le secret professionnel. Leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute autre personne que celles habilitées à en connaître est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
Article 3
Lorsque le nombre des enseignants qui ont déclaré leur intention de participer à la grève est égal ou supérieur à dix pour cent du nombre total des enseignants exerçant leurs fonctions dans les écoles publiques d’une commune, celle-ci organise le dispositif nécessaire à l’accueil des enfants. Cet accueil est mis en place pendant les heures au cours desquelles les enseignements sont dispensés.
Aux fins de la mise en place de cet accueil, l’autorité administrative communique, dès qu’elle en a connaissance, à chacun des maires du département le nombre, par école, des enseignants exerçant dans sa commune et qui ont déclaré leur intention de participer à la grève.
La commune peut accueillir les élèves dans les locaux des écoles maternelles et élémentaires y compris lorsque ceux-ci continuent d’être utilisés pour les besoins de l’enseignement.
Article 4
L’État verse une contribution financière aux communes lorsqu’elles ont effectivement mis en place le service mentionné à l’article 3 au titre des dépenses exposées pour la rémunération des personnes qu’elles ont chargées de l’accueil des enfants scolarisés.
Le montant et les modalités de versement de cette contribution sont précisés par décret. La contribution tient compte du nombre d’élèves effectivement accueillis.
Article 5
Lorsque des communes ont transféré les attributions qu’elles exercent en matière d’accueil de loisirs des mineurs ou d’accueil des élèves avant et après la classe à un établissement public de coopération intercommunale, elles peuvent confier à cet établissement l’organisation et la mise en place du service mentionné à l’article 3.
Des communes peuvent, par convention, confier à l’une d’entre elles ou à l’établissement public de coopération intercommunale mentionné à l’alinéa précédent la compétence pour organiser et mettre en place le service d’accueil mentionné à l’article 3.
Communiqué de presse du SNUipp
Le ministre nous a présenté le projet de loi qui instituerait le droit d’accueil des élèves dans les écoles élémentaires et maternelles. Nous avons rappelé notre hostilité à toute remise en cause des conditions d’exercice du droit de grève.
Le texte témoigne d’une ignorance totale de la réalité des écoles et vise à remettre en cause le sens des responsabilités et la conscience professionnelle des enseignants du 1er degré.
L’annonce d’une procédure de négociation préalable en cas de préavis pourrait constituer une mesure intéressante. Elle sera inopérante en cas de préavis de grève touchant les questions budgétaires ou de rémunérations. En réalité elle constitue un paravent pour dissimuler la réalité du projet.
Le texte, tel qu’il nous a été présenté, a une double caractéristique : d’une part il impose aux enseignants des écoles des conditions pour l’exercice de leur droit de grève en leur imposant une déclaration préalable à l’administration alors qu’ils informent déjà les familles ; d’autre part il ne donne aucune garantie sur la qualité et la nature de l’accueil proposé aux familles ni sur les financements proposés aux communes.
Nous avons souligné le caractère inacceptable de ces dispositions qui relève plus d’une opération idéologique que d’une recherche de réponses aux besoins des familles. L’essentiel de la discussion a porté sur l’obligation de déclaration préalable, stigmatisante pour les personnels et dont l’utilité n’est pas selon nous démontrée. Le ministre a évoqué la possibilité d’évolutions plus ou moins marginales sur ce point. Nous y serons particulièrement attentifs.
Nous appelons les personnels à signer massivement la lettre-pétition au Président de la République initiée par le SNUIPP, le SE et le SGEN-CFDT.