Objet : situation de l’enseignement sur les fleuves en général et à Camopi en particulier
Monsieur le Recteur,
Les médias locaux en font largement état et nos correspondants locaux nous le confirment : les conditions d’enseignement et de vie des enseignants sur les fleuves, loin de s’améliorer, ont au contraire tendance à empirer.
Tout d’abord sur le plan de la non scolarisation et de la déscolarisation de nombreux problèmes demeurent :
- les problèmes de transport scolaire se sont aggravés cette année privant d’école des centaines d’enfants qui ont un saut à passer pour se rendre à l’école. De plus, à ce jour à Grand-Santi, les lignes de pirogues sont insuffisantes pour prendre en charge la totalité des élèves,
- les débrayages et droits de retraits fréquents et légitimes provoqués par les dysfonctionnements récurrents des services municipaux, entraînant des conditions d’hygiène et de sécurité déplorables, privent de nombreux enfants de classe (ex : l’école de Loka fermée faute de ramassage des ordures, l’école de Papaïchton fermée faute d’eau, donc de sanitaires, collège de Camopi, de Grand-Santi…),
- à Camopi, le transport scolaire étant inexistant, les enfants sont amenés à l’école par leurs parents ce qui entraîne de très nombreuses absences ou retards. Au collège, 16 élèves de sixième d’adaptation sont déscolarisés faute de salle de classe, de logement pour l’enseignant et donc d’enseignant,
L’observatoire de la non scolarisation, dont la création avait fait naître de grands espoirs, semble fonctionner au ralenti depuis quelques temps : après le temps des constats, il faut passer à l’action. Nous demandons que ce moyen soit réactivé et qu’une réunion soit programmée le plus rapidement possible
Sur le plan de l’hygiène et de la sécurité, les conditions de fonctionnement des écoles ne sont pas remplies dans de nombreux établissements :
- à Camopi, les locaux de l’école primaire sont dans un état de vétusté et d’insalubrité tel que les enseignants ont été amenés régulièrement à faire jouer leur droit de retrait. Malgré les interventions répétées d’une entreprise privée, le problème des chauves-souris n’est absolument pas réglé et expose les élèves aux fientes. Les normes de sécurité (installation électrique, fuites aux toits et tôles non fixées, extincteurs, issues de secours, termites…) sont loin d’être remplies mais le projet de réhabilitation de l’école, engagé par votre prédécesseur, est resté lettre morte. Plus grave, les trois classes situées au dessus de la mairie sont un véritable piège pour les enfants en cas d’incendie (une seule issue – par un escalier étroit - pour la soixantaine d’élèves qui y travaillent) et l’équipe pédagogique se refuse à continuer à travailler dans ces conditions l’année prochaine alors qu’aucun projet de constructions n’est à l’ordre du jour.
Lors de notre passage, le mardi 14 novembre, les classes du collège ne disposaient ni d’eau, ni d’électricité, ni d’extincteurs, les détritus s’accumulaient aux portes des classes qui sont privées d’issue de secours et les blocs sanitaires ne sont pas en état de fonctionner depuis leur construction. Cette situation perdure depuis plus d’un an et les enseignants ont légitimement exercé leur droit de retrait.
- à Maripasoula l’école du Bourg est dans un état pitoyable et sa réhabilitation est au point mort,
- sur pratiquement tous les sites des fleuves le paludisme fait des ravages aussi bien chez les enseignants que chez les élèves entraînant un absentéisme récurrent.
Au niveau du logement des enseignants :
- faute de logements en nombre suffisant, la cohabitation s’impose à Grand-Santi, à Camopi deux enseignants sont obligés de loger dans un village isolé à 10 minutes de pirogue de l’école (il manque à ce jour 7 logements), à St-Georges certains collègues doivent d’aller se loger sur la rive brésilienne en toute illégalité, à Monfina 4 logements sont inhabitables faute de raccord au réseau d’eau…
- les logements existants sont parfois dans un état pitoyable et le passage du parc locatif à devait amener des améliorations mais force est de constater la poursuite du délabrement des logements à Papaïchton, Maripasoula…
- à Camopi, la fourniture d’eau (non potable) et d’électricité est plus qu’aléatoire.
A toutes ces difficultés s’ajoute l’isolement extrême de certains sites aggravé par l’absence de moyens de communication.
Les collègues rencontrés sur les différents sites en sont arrivés à se demander s’il n’existe pas chez les élus locaux et de la part du rectorat une volonté de précariser les enseignants envoyés sur ces postes et d’aller, malgré les discours officiels, à l’encontre de la stabilisation des équipes pédagogiques.
Pour notre part, nous vous demandons d’agir avec la plus grande détermination pour que la situation sur ces sites s’améliore de façon significative. Cet état de fait catastrophique et indigne de notre pays n’est pas une fatalité et des progrès sont possibles : pour preuve, lors de notre passage à Camopi le 14 novembre, veille de votre visite avec le préfet (est-ce un hasard ?), nous avons assisté à l’installation express d’une antenne et du réseau internet ainsi qu’au branchement électrique du collège.
Les enseignants qui accomplissent leur mission avec courage et abnégation malgré des conditions de vie et de travail inacceptables n’en attendent pas moins de leur administration et souhaitent être traités avec plus de considération et de respect. Ils demandent surtout que leur situation particulière soit prise en compte (notamment au niveau de l’aménagement des rythmes et du calendrier scolaires) car ils n’acceptent pas qu’on leur rappelle la nécessité d’une harmonisation dans ce domaine alors qu’il leur semble que rien n’est fait pour harmoniser le reste.
Nous rappelons une nouvelle fois notre attachement au respect du droit à l’éducation pour tous et dans des conditions satisfaisantes, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui en Guyane.
Veuillez agréer, Monsieur le Recteur, l’expression de nos salutations distinguées.
Pour le secrétariat du SNUipp-Guyane
Jean-Noël Grandvillemin