C’est maintenant nos collègues doyens des corps des IEN et des IA-IPR qui viennent de vivre la réalité de la nouvelle gouvernance actée dans le décret du 10 janvier 2012. Une partie d’entre eux a été invitée à participer à une action proposée par l’École supérieure de l’Éducation nationale (ESEN) et intitulée : « Mise en place de l’accompagnement de la réforme nouvelle gouvernance ; appréciation de la valeur professionnelle des enseignants ». Les doyens restants seront réunis lundi 30 janvier.
Non il ne s’agit pas d’une consultation (1), cette étape est dépassée ! Il s’agit de « déterminer les conditions d’efficacité de présentation de la réforme ».... Réforme rejetée par l’immense majorité des enseignants, et qui a conduit – fait historique - des inspecteurs d’académie à se mettre en grève !
Pour cela le MEN a sollicité un consultant pour diriger les travaux. A l’heure où les moyens en formation pour les enseignants fondent à vu d’œil, on peut se demander si les deniers de l’état servent ici les priorités du système éducatif !
Et voilà comment cela se passe dans une réunion destinée à permettre la réflexion de cadres supérieurs de l’Éducation Nationale transformés en VRP de la pensée ministérielle : après que soit précisé le caractère indiscutable de la méthode de travail, le consultant présente dans un diaporama son organisation : il s’agit de s’appuyer sur SWOT qui désigne 4 mots anglais « Strength, Weakness, Opportunities et Threats » traduits par forces, faiblesses, opportunités et menaces du dispositif de la nouvelle évaluation des enseignants. Une diapositive annonce que « la parole est libre » mais qu’il ne faut « pas de débat », « pas de polémique », qu’on n’est pas là « pour discuter des contenus [du projet] mais pour réfléchir comment le présenter de la façon la plus acceptable possible ». Il s’agit donc bien de trouver les arguments publicitaires d’un projet que personne n’accepte, pas même les inspecteurs mais qu’ils devront porter en bons petits soldats.
Les doyens sont invités par petits groupes à circuler de table en table pour lister en 4 minutes chronomètre en mains (dans celles du consultant) les avantages (Strength), les opportunités (Opportunities), les faiblesses (Weakness), les risques et les inconvénients (Threats) du projet d’évaluation des enseignants. Ils ont interdiction fermement rappelée de s’extraire des groupes. Dans un deuxième temps par atelier, nos doyens doivent faire des propositions sur : les conditions d’efficacité de mise en place de la réforme, les points vigilances, les palliatifs (on appréciera le terme). Les doyens sont formés à la technique de bateleur de foire !
Nos collègues sont nombreux à nous faire part de ce qu’ils caractérisent être une manipulation psychologique, une instrumentalisation. Ils viennent simplement de vivre la nouvelle gouvernance déjà expérimentée dans quelques académies qui institue une « ligne hiérarchique directe » afin que la décision prise en haut soit appliquée en bas. C’est aussi ce qui attend les DASEN, les chefs d’établissement et les enseignants si nous n’y prenons garde. La question de l’efficacité du système éducatif et de la réalité des acquis des élèves, celle de l’évaluation formative des enseignants passe à la trappe de l’idéologie et d’une hiérarchie caporalisée dans les actes. Cette action n’est pas une caricature, mais bien la pose d’une première pierre.
Ce mode de management qui va à l’encontre de toutes prises d’initiative, d’innovation n’engendrera qu’un nivellement par le bas des pratiques professionnelles.
Qui en seront les premières victimes ? Les élèves et plus particulièrement les plus fragiles qui auront des professeurs obéissants, sans initiative, sans relief... Mais qui s’en soucie aujourd’hui parmi les responsables de notre ministère ?
Le secrétariat du SIA